well well well.

Where is Bryan? In the kitchen for sure!
J'en sais quelque chose j'y suis avec lui ; sauf qu'il s'appelle Bertrand, mais on en reparlera...

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dimanche 19 février 2012

Albatros

Article 9 : 2 mois et demi de paradis blanc -partie 1-

… luiluiluiluiluiluit (c’est le bruit de la machine temporelle)

Le trajet en hélico ne dure pas plus de quelques minutes, à peine le temps d’apprécier un paysage ou le gris des nuages vient se perdre dans les reliefs du continent, les bâtiments orange de la base ne semblent plus aussi loin qu’hier. Il faudra pourtant un certain temps à se répéter « Je suis en antarctique » pour réussir à l’accepter.

Il faut déjà le temps de s’éloigner des rotors pour comprendre que le voyage est fini, une pensée douce-amère, une légère inquiétude aussi. Un an et demi à en rêver, deux semaines de voyage et d’attente, et si c’était ce voyage que j’avais tant désiré ; certains disent que la destination importe peu, je me le suis souvent dit.

Seulement ici, c’est ailleurs, un endroit où le voyage n’est qu’un légitime prélude à tout ce qui sera.

L’accueil chaleureux de nos prédécesseurs ne fait que renforcer cette vérité inscrite partout où le regard peut porter. Les habitants se laissent exproprier petit à petit, ils s’effacent lentement rotation après rotation, en larmes, sans joie, sans regrets ni tristesse. Des colons poussés à un exil qu’ils savaient inéluctable.

Avec le voyage, le temps du repos prend fin, aux longues heures de guet plongé dans mes pensées succède le travail, tous les jours, sans le temps d’une pensée, ni hésitation ni tergiversation ce qui m’évite d’oublier pour quoi je suis ici. Un regard par la fenêtre pourrait prendre des heures et les photos s’exposer sur plusieurs jours ; être boulanger m’a permis d’arriver là et je dois faire du pain pour y rester.

Sans quoi il faudrait m’enchaîner à ma table pour que je prenne le temps de manger, à mon lit pour ne pas attendre le repos d’une nuit oubliée.

Venir seul ici serait un rêve d’ermite, un lieu dans lequel viendraient s’oublier sages et acètes. Ceux qui détiennent la vérité des histoires, celles où les héros se nourrissent de vertus.

A Dumont d’Urville, ils sont interdits : trop chiants, trop compliqués et l’humour a bien plus de valeur que toute la sagesse du monde ; ici les vieux ours solitaires sont drôles, compétents, et solidaires.

Albatros à sourcils noirs

Article 8 : Mise à jour générale

Téléportons nous dans le temps, jusqu’au présent.

Nous sommes mercredi 8 février 2012, il est 14h35, je viens de cuire mon pain pour ce soir et mes bananes flambées sont au four.

Il neige, il vente et l’Astrolabe est arrivé hier à 17h45 (nous en sommes à R3).

Je profite donc de ces conditions pour taper deux ou trois mots qui feront sans doute des phrases.

Après avoir passé la journée d’hier à bosser et à compter des poussins adélie, j’irai bien dormir un peu. Pas de bol j’ai encore une cinquantaine de skuas friands de bananes flambées à nourrir (je parle de mes compagnons d’aventure, et non de vrais skuas… je précise au cas où).

Si il n’y a rien à raconter aujourd’hui, remontons le temps. (Ha si j’ai reçu une carte que mes parents m’ont envoyée avant même que je ne parte, merci !! Elle est arrivée exactement 2 mois après avoir été postée).

Pour une bonne machine à voyager dans le temps, vous avez besoin d’un grand carton, d’un feutre et de lunettes de pilotage. Peu importe son origine, il vous faut aussi un copilote.

Tiluiluiluiluilui…

L'astrolabe and we

Fred, météo de la TA62

La TA62 sur l'Astrolabe

L'Astrolabe

Article 7

On s’habitue bien vite à n’avoir pour environnement qu’un bateau et l’océan autour.

On avance alors comme figés dans un mouvement perpétuel.

Et puis vient le pack !

Viens le pack !

Avant cela il faut se réveiller, aller manger, sortir sur le pont encore embrumé (moi pas le pont).

Il faisait gris, et le bateau avançait, comme il l’a toujours fait. Je passe toujours mon temps sur le pont qu’il soit nature ou supérieur.

En un instant, la vue de cet iceberg m’a dégrisé (j’étais encore embrumé et la brume c’est gris !), énorme, blanc, bleu, tranchant le gris.

Assez gros pour que j’ai le temps de retourner dans ma cabine pour prendre mon appareil photo.

Ce fut le préambule de l’arrivée du pack, le bateau a alors fortement réduit son allure et le radar qui jusqu’à présent n’affichait… rien, s’illumine d’une multitude de points que le pilote choisit d’écraser ou d’éviter.

Pour casser la glace, le bateau monte dessus et l’écrase comme la pomme écrasa Newton (c’était une très grosse pomme).

Sous la coque des brise-glaces, il y a une sorte de lame pour bien fendre les blocs. Entendons-nous bien, l’Astrolabe est autant un brise-glace que moi un pâtissier. Il casse les glaçons pour le Pastis.

Par conséquent, notre date d’arrivée est plus qu’hypothétique puisque dès lors elle est inconnue.

Lorsqu’il devient difficile de se trouver un chemin partant dans le bon sens, l’hélico décolle du pont (après quelques heures de préparation) pour repérer les rivières utilisables. Le bateau se beache alors sur une grosse plaque de glace qui a parfois des faux airs de banquise. Se beacher c’est se tanker (grosso modo, ne jouons pas sur les mots).

Ce qui nous laisse apprécier les manchots adélie sur la banquise, les pétrels géants, pétrels des neiges, damiers du cap, prion et autre pétrel antarctique. Les albatros ne nous suivent plus depuis quelques jours.

Si un manchot à terre est une des choses les plus marrantes au monde, dans l’eau ils semblent intouchables et paraissent voler entre les particules d’eau. Les appareils photo crépitent.

Des baleines, des oiseaux, de la glace et juste un peu d’eau.

Jusqu’au dernier jour, la date de notre arrivé sera restée incertaine, le pack dérive et une rivière peut très vite se refermer.

La veille, avant d’aller me coucher, tout le monde était persuadé passer Noël sur le bateau, on était le 21 décembre. Peut-être était-ce pour conjurer le sort. Le lendemain tout le monde avait le sourire, le chemin jusqu’à Dumont d’Urville n’offrait plus de difficultés majeures.

La veille ou l’avant-veille je m’étais réveillé au milieu des géants de l’antarctique, des icebergs d’une taille monumentale et nous avions croisé le morceau du glacier Mertz qui s’était détaché l’année dernière ou celle d’avant (ou celle d’avant :p). 90 km de long.

Au milieu du pack, ces géants nous offraient un spectacle sans commune-mesure.

Le matin du dernier jour, je me levais donc sans savoir que la traversée touchait à sa fin.

Les bonnes nouvelles avaient donc mis tout le monde de bonne humeur et le soleil était de la partie.

Comme toujours, j’ai guetté les baleines, les orques, les orcs et les basdlaine jusqu’au déjeuner.

Ce qui s’est passé ensuite est trop exceptionnel pour que j’en parle tout de suite, lorsque j’aurais trouvé les mots justes, je le raconterai.

Mais cet après-midi a donné à la beauté, un sens et une échelle différente.

En fin de journée, ou en soirée, le soleil ne se couche plus de toute façon, au détour d’un gros berg, on aperçoit Prud’homme (une petite base à 5km de la mienne) puis Dumont D’Urville.

Le capitaine fait sonner la corne de brume, je débarquerai le lendemain matin en hélico.

Article 6


Dans les yeux de tous du blanc

Parfois du bleu

Sous ces latitudes il n’y a que du bleu

Parfois du blanc.



Photos de Tokyo






Article 5 : Suite et presque fin du voyage

On se colle un patch derrière l’oreille et on y retourne.

D’un coup ça va mieux, on a pas tous la chance d’avoir été à fond de cale pendant des années dans la marine marchande.

J’ai rapidement compris qu’on prend de moins belles photos depuis la cuvette des toilettes que du pont du bateau.

Les jours suivants de traversée sont rythmés par les repas qui sont servis à heure fixe par l’intraitable sasha, pour beaucoup c’est l’occupation principale ; petit dèj-film-snickers-déjeuner-film-snickers-film-snickers-dîner-film-snickers-film.

Vous l’aurez compris les snickers sont en libre-service.

J’occupe mon temps à prendre des photos et à les développer numériquement (non ce n’est pas de la retouche) et à guetter l’apparition de baleines ou d’orques.

Lorsque les premières baleines se montrent, il y a eu un appel pour prévenir tout le monde, et là ce fut le drame. Pire qu’une simulation incendie, courir chercher son appareil photo, courir sur le pont, se bouffer un mur à cause d’une vague, tout ça pour voir quelques souffles de baleines au loin.

C’est bien joli d’autant qu’il fait extremement beau, mais ces sa… cétacés restent hors de portée de mon 300mm.

Une belle frustration est une étonnante source de motivation. Les jours qui suivirent, il y avait toujours du monde dans le poste de commande et sur le pont pour guetter l’apparition d’un aileron, mais plus d’appel général donc il faut être au bon endroit et l’appareil à portée de main pour parer à toute éventualité.

Je me suis beaucoup plu à braver les éléments, barricadé derrière ma veste de quart et mes polaires, mais même ma débilité a ses limites (si si) : 0°C et 54 nœuds de vents c’est largement suffisant pour me faire rentrer dans la timonerie (ou poste de commandement, ou pont supérieur,…).

Je remarque assez vite qu’un des mécanos ukrainiens : Big sasha (pour le différencier de l’autre) était très bon dans la chasse oculaire à la baleine (peut-être grâce à sa stature de cachalot (sur terre on dirait ours)), plusieurs fois il a été le premier à les voir.

Vous l’avez deviné, j’ai vu des baleines, enfin… leur dos, leur aileron, leurs évents, leurs coui… ha non pas ça.

Un groupe d’orques est passé une fois un peu au loin, je ne mentirai pas, je ne les ai pas vus, et je mentirai en disant que je m’en moque et que je ne suis pas du tout jaloux de Nicoco, ce véto, ce bistouri sur pattes qui a pu les prendre en photo. Depuis cet instant, mon but dans la vie est d’effacer ces photos.